Claudio Abbado, Jean Martinon - Boizet: L'Arlésienne, Symphonie en ut, Jeux d'enfants (2006)

Dans ce disque au prix minuscule, un florilège de musiques majuscules.
Oui, encore que posthume - révoltante cruauté du destin -, le succès planétaire et immortel de sa Carmen, chef d'oeuvre parmi les chefs d'oeuvre, a fait passer à l'arrière-plan ou relégué aux oubliettes les autres joyaux que ce génie français nommé Georges Bizet a ciselés dans sa vie brève.
L'Arlésienne : une musique de scène qui avait pour vocation subalterne d'accompagner l'adaptation théâtrale du conte éponyme d'Alphonse Daudet...
Une simple musique de scène ! L'accessoire qui suit le principal... Mais ici, c'est l'accessoire qui est devenu le principal. L'adaptation théâtrale de ce beau conte provençal a sombré dans l'oubli cependant que la musique de scène composée par Georges Bizet pour l'accompagner a acquis le statut d'une oeuvre à part entière.
Pour preuve ce disque (parmi une généreuse discographie toujours marquée par la version anthologique de Sir Thomas Beecham) qui nous propose les suites 1 et 2 de cette œuvre sous la direction de Claudio Abbado, outre la symphonie en ut et les jeux d'enfants sous celle de Jean Martinon.
Richesse et invention mélodiques, couleurs orchestrales chatoyantes et bariolées, rythme, nervosité, ampleur, fluidité, clarté, grâce, élégance, lumière méridionale mais aussi gravité et douceur, ces œuvres symphoniques de Georges Bizet composent un univers musical aux inépuisables sources de surprise et d'enchantement.
L'Adagietto de la cinquième symphonie de Gustav Mahler (1860-1911) - grand admirateur de Georges Bizet -, a fait couler beaucoup d'encre et peut-être trop, surtout après que Luchino Visconti lui eut donné une notoriété hors normes en le choisissant pour être la musique de son film "Mort à Venise".
N'est-il pas permis d'affirmer que Gustav Mahler, composant ce mouvement symphonique célébrissime, a inconsciemment ou consciemment voulu rendre hommage à Georges Bizet ?
Écoutez l'Adagietto de la première suite de l'Arlésienne (certes plus court que celui du compositeur autrichien mais on est dans la concision française...) : la citation et l'hommage de Gustav Mahler ne sont-ils pas frappants ?
Quoi qu'il en soit, ce disque est une merveille, qui nous offre pour presque rien la magie en musique, celle de Georges Bizet.