Marielle Nordmann & Nemanja Radulovic - Apres un reve (2012)

Le duo violon et harpe est plutôt rare. On a davantage l'habitude d'associer la flûte à la harpe, alors que les sonorités du violon et de la harpe se marient à merveille. La harpiste Marielle Nordmann et le violoniste Nemanja Radulovic qui sont amis de longue date et se produisent souvent ensemble, nous offrent (enfin !) un enregistrement de leur belle collaboration.

Dans cet album les transcriptions sont majoritaires, car le répertoire original pour cette formation est assez restreint. On trouve même la célèbre Méditation de Thaïs de Jules Massenet (au départ pour violon et orchestre) dont on ne compte plus les adaptations. De mon point de vue, tous les arrangements sont réussis avec une réserve pour le Nocturne de Chopin par lequel cet album débute. Pour une fois, et malgré le talent des deux interprètes, la pièce me semble un peu bancale et ne rend pas suffisamment toute la poésie du Nocturne original.

Qu'à cela ne tienne, le reste de l'album compense sans problème cette légère faiblesse de départ. Le munichois Karl Oberthür est peu connu du grand public mais familier des harpistes. Ses deux pièces sont donc une agréable découverte. L'air de Polina, extrait du 1er acte de La Dame de Pique de Tchaïkovski, est un morceau à la fois triste et tragique qui préfigure l'issue fatale que connaitra l'amour de Lisa pour Hermann. Les deux instruments, utilisés dans leur registre grave ont une densité presque inquiétante. Dans les Danses populaires roumaines de Béla Bartók (une de mes pièces préférées), arrangée par Marielle Nordman, Nemanja Radulovic est complètement dans son élément et donne une vraie couleur "transylvanienne" à la musique, alors que la harpe tisse une belle rythmique autour des lignes mélodiques.

Les quatre pièces du paraguayen Augustin Barrios Mangoré pour harpe seule sont originellement écrites pour la guitare, instrument dont la technique et la sonorité le rapprochent de la harpe. Cela donne une sorte d'évidence à la transcription de Marielle Nordmann et son jeu subtil et poétique fait le reste. Le court morceau de Maurice Ravel, Pièce en forme d'Habanera fut originellement écrit pour voix et piano, mais il est très connu dans sa transcription pour violon et piano, ici remplacé par la harpe.

La pièce maitresse de l'album est une rareté d'un Camille Saint-Saëns de 72 ans espiègle et poète : la Fantaisie en la majeur pour violon et harpe op. 124. Destinée à mettre en valeur la virtuosité des deux solistes, c'est une succession d'épisodes aux rythmes et couleurs très variés comme cette surprenante chaconne où le violon déclame de façon presque baroque.

Pour clore l'album, le duo nous propose une pièce abondamment transcrite : la courte mélodie de Gabriel Fauré Après un rêve qui donne le titre du CD, évoquant le bonheur fugace entrevu dans un songe.
Voici un récital plein de poésie, fruit du talent et de la complicité de deux grands artistes. Une musique pour tous les publics, à la fois très facile d'accès et d'un grand raffinement.